15 septembre 2017

A la manière d’Isaïe, 6…


J’étais assis avec Bernard, un autre « Ancien des Jours », devant l’autel du temple qui nous avait vus, allongés sur la pierre, il y a cinquante ans, offrant nos jeunes vies au Seigneur Tout Puissant. Les chérubins tournoyaient, flammes à la main ; les séraphins voletaient dans leurs robes de lin ; l’encens montait à l’assaut des voûtes célestes ; le Grand- Prêtre suivait, vêtu de l’éphod étincelant, appuyé sur sa crosse dorée. La puissante corne de bélier résonnait sous les doigts de l’organiste chevronné.

Je regardais vers les hauteurs. Tout à coup, je vis descendant d’un chapiteau du transept comme une Voix. Elle avait figure humaine, ses yeux étaient des charbons ardents, sa traîne emplissait les airs. Elle avait deux ailes sur les côtés et deux autres sur le dos. Effrayée, elle criait un chiffre : « Vingt-cinq, vingt-cinq, vingt-cinq ! ».  Les voûtes craquèrent, les montants des portes vibrèrent, le sol trembla. Dans l’épouvante, je fermais les yeux. Elle se rapprocha de moi et je fus atterré. Elle hurla à mon oreille : « Si tu avais le pouvoir de soustraire de tes cinquante ans de sacerdoce, toutes les paroles superflues, les conversations creuses, les pensées sans intérêt, les rêveries vaporeuses, toutes les ruminations acides, les rancœurs recuites, les prières vides, bref tout le temps perdu , tu aurais encore vingt-cinq années à vivre devant toi ! »

« Malheur à moi, je suis un homme aux lèvres impures » pensais-je ! Accablé par cette évidente révélation, je me disais : « Que ferais-je de ce bienfaisant sursis, s’il m’était accordé ?  Je commencerais par rendre grâces pour tous les bienfaits reçus sans aucun mérite de ma part. Pour cela, je goûterais, chaque jour, l’un des 150 psaumes jusqu’à ce qu’il incruste mon cœur . Je demanderais pardon pour l’insondable légèreté des occupations que je me suis données et je relirais jusqu’à l’accablement le chapitre 34 d’Ezéchiel réservé aux mauvais bergers. Je mettrais au plus vite en application tout ce que j’ai enseigné aux autres et que j’ai moi-même négligé…

En fait, je ne ferais rien de tout cela. Je ne « ferais » plus… j’essaierais d’ÊTRE. »

Quand j’ouvris les yeux, la voix à la forme humaine avait disparu ; elle avait regagné les hauteurs célestes. Le Grand Prêtre s’approchait du bassin pour faire ses ablutions. Il purifiait les coupes et les plats du sacrifice. Les chérubins et les séraphins entonnaient des hymnes et des  cantiques : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur ! » La foule du parvis s’étonnait et cherchait à comprendre le chiffre entendu. A mes pieds, je trouvais un rouleau. Je le déployais et je lus : « Fils d’homme, tu n’as plus aucun pouvoir. Je te donne cependant une occasion supplémentaire de te racheter. Envoie tes serviteurs sur les routes et les chemins. Invite tes proches et tes amis et ceux qui le souhaitent et viens fêter les trente ans du Service de la Formation Permanente des Chrétiens du Béarn et Benoît ton successeur, le 7 octobre en l’église St Pierre de Pau ».

On pouvait lire en note : «  Je te promets de pas perturber le sacrifice d’action de grâces car ce temple palois ne possède pas de colonnes sur lesquelles je puisse me percher. Et toi, les yeux levés vers la verrière du puits de lumière qui inonde l’autel, tu répéteras avec tes amis rassemblés :
pour ces 50 années, Merci ! »



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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.