04 mars 2012

L’orgue, la cithare et le jésuite.

En ce jour-là, l’Ancien était entré dans une cathédrale. Les yeux levés vers l’orgue, il en admirait le buffet rutilant et les tuyaux étincelants. Et il dit à ses amis:

« Nous avons connu une époque où ces vénérables instruments se sont un peu essoufflés pour cause d’usure ou par défaut de subventions. Pour pallier ce silence et pour accomplir le psaume 150, cordes et flûtes, cymbales et tambourins sont entrés en liturgie.

Rome s’en est émue. Elle est allé chercher en Europe du Nord deux célèbres organistes qui se sont révélés deux grands compositeurs. Souvenez-vous des célèbres cantates : Fides et ratio, Veritatis Splendor, Spe salvi, Caritas in Veritate.. Ainsi, les grandes orgues reprirent souffle et redonnèrent de la voix.

Encouragés par ces résonances célestes, certains organistes de chœur reprirent le clavier. 
Ils sélectionnèrent dans ces œuvres magistrales quelques thèmes choisis selon leur convenance. Puis, ils les transposèrent sur des portées mineures et parfois douteuses, au nom d’une fidélité à la répétition plus qu’à la Tradition.

Quelques oreilles chrétiennes s’en trouvèrent fort agacées, à l’instar des dents d’Ezéchiel. 
On ouvrit alors d’autres claviers et voilà qu’au détour de quelques clics, une autre petite musique se répandit, des partitions s’éparpillèrent. Elles étaient signées d’un certain Joseph Moingt. Nous savions depuis longtemps qu’il était un théologien compétent, mais nous ne savions pas qu’il excellait dans une petite musique suave, légère, printanière, adaptée à un instrument discret, quoique très ancien, la cithare.

Les notes de ces mélodies sautillantes bondirent d’un presbytère à l’autre, d’un ordinateur à un autre, adoucissant quelque peu les tonitruants do majeurs écrasés par les orgues de chœur.

Mes amis, remerciez le Père Joseph Moingt. Il a accepté de nous jouer la partition de l’avenir de l’Eglise. Souhaitons que celui-ci sache conjuguer longtemps le grand orgue des fêtes solennelles et l’humble cithare de la prière quotidienne. Quant aux orgues de chœur, il faudra bien leur trouver une autre place car certains se sont déjà pris pour le maître-autel… » 
Ainsi parla l’Ancien et il ajouta : « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende… »



"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.