16 avril 2011

La Vie après la vie.


A l’heure où j’écris ces lignes, un cataclysme s’abat sur le Japon ; la mémoire du déluge refait surface. Des réacteurs nucléaires répandent leur invisible terreur ; le cauchemar de l’Apocalypse hante les esprits. Déjà circulent sur internet des prédictions chiffrées ; Tremblement de terre + tsunami + nucléaire = explosion finale. Elle a, nous dit-on, commencé son compte à rebours : les derniers jours sont arrivés. « Convertissez-vous » proclament certains ; « trop tard » répondent les autres.

Comment ne pas être accablé par ces images dévastatrices, par cette accumulation de souffrances qui renvoient les nôtres au niveau des inconvénients mineurs. A ce malheur sans nom, s’ajoutent les combats fratricides en Côte d’Ivoire, les attaques contre des civils en Libye, les victimes des soulèvements populaires en Tunisie et en Egypte et ces milliers de pauvres jetés sur les routes de l’exil.

Pour une fois Dieu semble avoir été épargné. On aurait pu lui attribuer les conséquences des catastrophes naturelles. « Que fait-il ton Dieu ? ». On préfère parler des risques encourus par une région dont on connaissait les dangers sismiques ou de despotismes trop longtemps tolérés parce qu’ils arrangeaient bien nos affaires.

Devant un tel désastre on reste sans voix. Face à ces soubresauts de l’histoire, on observe un silence plutôt gêné.

Par ailleurs, comment ne pas admirer la retenue des populations sinistrées, cette forme de pudeur qui s’exprime dans les attitudes et les mots, le sens du devoir de ceux qui exposent leurs vies pour préserver celles des autres ? Comment ne pas vibrer avec ces jeunes révoltés, saluer le courage de ceux qui, aujourd’hui encore, préfèrent la liberté à la vie ? Comment ne pas s’indigner de l’indécente fortune des pharaons modernes et trembler pour ceux qui affronteront d’autres dictatures ?

Mais pourquoi faut-il que chaque siècle connaisse des oppressions infâmes? Pourquoi l’expérience passée ne sert-elle jamais au présent ? Et si un jour la révolte à mains nues échouait sur le mur de la violence ? Et si les ruines et les maux nous enlevaient toute envie de redresser la tête ? Et si la terre n’avait plus d’autre perspective qu d’être un tombeau à ciel ouvert ?



La pensée de Teilhard de Chardin qui voyait l’avenir du monde comme une montée irrésistible vers une humanité spirituelle, la théorie de Marx qui préparait des lendemains qui chantent semblent s’être perdus dans les logiques financières déconnectées du simple bon sens. Le sommeil des idéologues n’est troublé que par des rêves de comptables. Alors faut-il désespérer ?

Depuis la nuit des temps les hommes scrutent le sens de la vie. Certains pensent même que cette recherche est vaine et qu’il n’y a aucun sens. La terre ? Un astre refroidi à la merci d’un soleil lui-même éphémère. L’être humain ? Dès sa naissance programmé pour mourir, un fétu de paille sur un océan de hasards. Alors à quoi bon chercher une lumière! Les événements confirment cette sombre hypothèse.

Et pourtant les hommes relèveront les ruines, défieront encore les tsunamis, chercheront à mieux maîtriser l’atome, résisteront aux oppressions de toutes sortes. Comme s’ils savaient par un instinct divin que la Vie passerait la vie, que la mort ne pouvait pas l’engloutir à jamais. Les Chrétiens croient, en effet, que la mort et le mal se sont, un certain Vendredi, épuisés sur la croix, ne pouvant faire pire que ce que les hommes ont, eux-mêmes, accompli ce jour là. Ils ont refusé la source même de la Vie, ils ont voulu définitivement éradiquer le Don de Dieu en scellant son tombeau. Mais le deuxième don, le pardon du Père, la pierre n’a pas pu le retenir. Le tombeau s’est ouvert et il est devenu berceau d’une naissance nouvelle. Le Christ est ressuscité !

Les cimetières peuvent recouvrir la terre ; ce sont désormais des cimetières de tombes ouvertes. C’est peut être la bonne nouvelle qu’échangent, tous les matins, deux petites hirondelles juchées sur leur fil. A leur façon, elles anticipent un joyeux ALLELUIA !

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.