22 janvier 2010

Entrer au désert ou déserter ?

Les chrétiens vont entrer en Carême à la suite de Jésus qui séjourna au désert pendant quarante jours comme l’avait fait avant lui Elie, en souvenir des quarante ans de l’Exode que le peuple de Dieu avait accompli sous la conduite de Moïse.

Quarante jours durant lesquels Jésus ne va pas déserter le monde, mais faire les choix essentiels qui vont engager sa mission et révéler son identité. « Si tu es Fils de Dieu …alors, montre-le », lui suggère le tentateur. « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi du haut du temple et nargue la mort ; rassasie les affamés en rendant comestibles les cailloux ; prends le pouvoir en te prosternant devant lui ». Et Jésus refuse de « faire le dieu » à la façon des hommes. Il montera sur la croix, mais Il n’en descendra pas malgré les demandes ironiques des amateurs de prodiges. Il donnera du pain, mais en multipliant celui des hommes. Il bâtira un Royaume : ce ne sera pas le sien, mais celui de Dieu.

Ne sommes-nous pas tentés de demander à Dieu qu’Il ressemble à l’image que nous nous faisons de Lui ? Si tu es Dieu, pourquoi n’as-Tu pas stoppé le tremblement de terre qui a frappé ce malheureux peuple d’Haïti ? Si tu es Dieu, comment supportes-Tu le regard implorant des enfants affamés ? Si tu es Dieu, pourquoi n’élimines-Tu pas les violeurs, les violents, les prédateurs, les profiteurs, les dictateurs… ? Et Dieu continue de nous décevoir. Il ne casse pas les croix, Il ne supprime pas la souffrance et la mort : Il en fait le signe de l’amour total. Il ne transforme pas les pierres en pain : Il nous dit de partager le nôtre. Il n’impose pas son pouvoir de l’extérieur : Il le fait naître de l’intérieur de notre cœur.

Oui, il nous faut bien quarante jours de Carême pour vérifier nos choix. Qui est mon Dieu ou plutôt qui est Dieu ? Celui que j’ai fabriqué pour satisfaire mes besoins immédiats et mes désirs frustrés ou celui que me propose Jésus Christ ? Quarante jours de désert et non pas de désertion, pour choisir le silence malgré l’agression incessante du bruit ; pour préférer l’utile au futile ; pour simplifier ma vie et celle des autres au lieu de les compliquer davantage ; pour modérer mes appétits de toutes sortes plutôt que de les satisfaire sur le champ ; pour ouvrir la cage de l’isolement et du chacun pour soi par un partage joyeux et sans arrière-pensée.

Quarante jours pour renouer dans la prière avec un Dieu déconcertant à force de nous aimer mieux qu’un Père, et à force d’espérer que nous Lui ressemblions.

Quarante jours de modération et de frugalité, même notre planète nous en sera reconnaissante…et pour une fois, on considérera que les chrétiens sont à l’avant-garde…
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.