01 avril 2010

Jeudi Saint




Jésus n’a célébré qu’une seule messe mais il faut croire que se fut la bonne ! C’est la réflexion qui s’impose à moi à chaque commémoration de la Cène. Or, depuis, un prêtre de campagne célèbre au bas mot 400 Eucharisties par an !! Il n’en a pas toujours été ainsi, puisque sous l’Ancien Régime, on lui prescrivait de célébrer « quelques fois » les Saints Mystères ! Que signifie cette inflation du rite, cette boulimie du corps du Christ, cet appétit immodéré du pain venu du ciel, cette soif inassouvie du sang du Seigneur ?

On peut arguer que notre condition pécheresse nous oblige à réitérer sans cesse notre conversion ; qu’à l’instar du repas quotidien, il nous faut alimenter régulièrement notre être spirituel ; que les saints, tellement amoureux du Christ, ne peuvent rester longtemps sans exprimer leur élan…

Ne sommes-nous pas un peu victimes de nos lectures de la première Alliance qui faisait obligation aux prêtres du Temple de Salomon de ne pas interrompre l’offrande qui montait de Jérusalem afin que Dieu soit favorable à son peuple ? Il serait bon, non seulement de relire la lettre aux Hébreux, comme nous le faisons en ce moment dans l’Office des Heures, mais de la mettre en pratique. Le Christ est bien notre grand prêtre mais contrairement à ceux du Temple, Il s’est offert une fois pour toutes….

On comprend bien que ni le prêtre ni les fidèles ne sont le Christ et que comparaison n’est pas raison. Mais si nous avions davantage conscience, les uns et les autres, que l’Eucharistie engage le DON total et sans réserve de notre vie, que son horizon s’ouvre sur la Croix, que la messe n’est « dite » que lorsqu’elle consacre aussi le monde qui nous entoure afin qu’il devienne « offrande spirituelle agréable à Dieu », ne serions-nous pas plus précautionneux dans l’usage du Sacrement ? N’est ce pas là « chose » trop grave pour en faire une simple réponse à un besoin personnel ou occasionnel? « Pourtant j’avais bien commandé une messe pour aujourd’hui ! » Il y a bien des façons de « blesser » la liturgie !

Certes, le Signe est dit visible dans la définition du catéchisme, mais il doit également être efficace. Ne l’a-t-on pas rétréci aux dimensions de quelques intentions particulières alors que sa portée est universelle ? N’avons-nous pas confondu efficacité et quantité ? N’y a-t-il pas d’autres rendez- vous avec le Seigneur ? La méditation de la Parole, la prière, l’accompagnement fraternel ne sont-ils pas signes véritables de Sa présence ? « Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom… »

Bref, je vais dire une énormité, mais ne faudrait-il pas de temps en temps « re-évangéliser » la messe ?

Chacun sait que trop de rites tue le rite ou du moins amoindrit sa puissance d’évocation.

Oui, évangélisons la messe, retrempons la dans son bain originel, dans la vie et la mort de Celui qui la célébra le premier. Alors avec Lui, nous dirons en tremblant : « Mon âme est bouleversée. Que dirais-je ? Mon Père sauve moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure. » Jn 12, 27
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.