28 mai 2009

Pierre, 45 ans
L’orage grondait. Les écluses du ciel débordaient dans le Layou. Tout le village, blotti dans la petite église, accompagnait dans son dernier voyage, Pierre, jeune agriculteur terrassé par un infarctus. « Trop jeune, parti trop vite, ce n’est pas normal, la vie ne l’a pas gâté…. » murmuraient ses amis.
Il me revenait en mémoire le souvenir d’une escapade dans un village éloigné, où les Pères Jésuites avaient une résidence. Juchés sur de mauvais vélos, nous avions avalé les kilomètres pour aller écouter, au milieu d’un champ, le Père Duval, le premier « curé chantant ». C’était il y a presque 50 ans !
« Il n’a pas eu bonnes gens, il n’a pas eu bonnes gens
tout son compte d’amour, tout son compte de vie.
Il n’a pas eu bonnes gens, il n’a pas eu bonnes gens,
tout son compte de vie
le p’tit gamin du voisin
qu’on enterre ce matin…
Mais la colère gronde sur la terre comme au ciel,
mais la colère gronde,
la colère du bon Dieu… »

Qu’est-ce qu’un bon compte de vie ? Qu’est-ce qu’une « vie bonne » ?demandaient les sages grecs. « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? » renchérit Luc Ferry. Si les premiers humains affrontés à une nature hostile, aux bêtes sauvages, aux carences de toutes sortes, avaient envisagé leur existence à l’aune des critères actuels, n’auraient-ils pas stoppé immédiatement l’aventure humaine ?
Et sans remonter si loin, nos aïeux qui travaillaient une terre souvent ingrate dans le seul but de se procurer une nourriture à peine suffisante, n’auraient-ils pas eu toutes les raisons de déclarer inacceptable cette vie de galère et de corvées ? N’auraient-ils pas bien fait de laisser s’éteindre la race humaine ?
Pourquoi donc les hommes s’acharnent-ils à vivre, quelles que soient les circonstances de leur vie? N’est-ce pas, parce qu’inconsciemment, ils pressentent qu’une vie humaine ne se résume pas à ce qu’il en paraît. Une vie d’homme, c’est un éclat mystérieux et précieux, tout à fait unique, qu’on n’avait jamais trouvé jusqu’ici et qu’on ne rencontrera plus. Une vie d’homme, c’est une parole qui ne sera qu’une fois prononcée. Il suffira qu’elle soit une fois entendue. Et puis que sait-on de la vie de Pierre ? De ses pensées les plus intimes, de ses combats intérieurs, de ses affections inavouées, de ses rêves les plus fous, de ses bonheurs préservés ? Il y a un moment où il faut lâcher prise, admettre de ne pas tout comprendre de l’autre, et le remettre entre les mains de Celui qui sait mieux que soi-même si la vie a été bonne ou pas. « Attends le soir pour dire si le jour fut beau » dit le proverbe.
Si l’on avait interrogé les habitants de Nazareth, au sujet de Jésus, le vendredi de sa mort, certains auraient répondu : « Il n’a pas eu bonnes gens, tout son compte de vie, le prophète d’Israël qu’on enterrera demain.. »Et pourtant cette courte vie a suffi pour planter au coeur de l’humanité une immense espérance : la vie n’est pas détruite, elle est transformée ! Le tombeau n’est pas noir, il s’ouvre sur une aube lumineuse.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir,
C'est vrai que çà n'est pas facile, mais arrive le moment où il faut accepter,arrive le temps où je ne décide plus de tout, enfin je LUI fais confiance! Il était temps - me direz-vous-! Non,c'est juste le moment de la vrai rencontre.
AV

Roger a dit…

"Que c'est beau, c'est beau la vie"
dit une autre chanson,
mais a t'on toujours le choix ?

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.