16 mai 2009

Les larmes de la Vigne…

« As-tu pensé à sulfater ta vigne » ? C’est Gérard, mon conseiller spécial en jardinage, qui s’inquiète pour mes quelques pieds de chasselas et de muscat. Lui-même cultive la sérénité souriante du sage de la Bible dont le bonheur suprême consistait à « rester assis sous sa vigne et sous son figuier, sans personne pour l’inquiéter » (Mi 4,4). Bernard, son cousin, avait, il y a quelques temps, repris en main la treille trop longtemps négligée et lui avait infligé une taille sévère. Les sarments tout meurtris en pleuraient quelques larmes de sève…
Et voici que ce dimanche de mai la liturgie nous décrit Jésus comme la vraie vigne portant de beaux sarments prometteurs de bons fruits. Isaïe nous avait déjà livré un magnifique poème en l’honneur de la vigne du « Bien Aimé ». Le texte nous dit qu’il l’avait bêchée, épierrée, qu’il avait bâti une tour, creusé un pressoir, érigé un mur de clôture. Il en espérait un grand cru, elle lui donna de la piquette, du verjus. Terrible déception ! « Que pouvais-je faire pour ma vigne, que je n’aie fait ? »(Is 5,4) Ainsi parlait Dieu de son peuple rebelle. Un jour viendrait où Jésus se présenterait comme le plant renouvelé, le peuple nouveau.
Ces temps-ci les chrétiens se désolent. Il leur semble que la vigne de Dieu, son Eglise, est abandonnée, qu’elle ne porte plus de fruits, que ses ouvriers se dérobent, que ses gérants sont sur une autre planète, que tout le monde dédaigne son vin, que personne ne veut plus s’inviter à sa table. D’où vient ce désenchantement du monde à l’égard de notre Eglise ? (1)
La première réaction consiste à accabler le monde qui nous entoure. Un monde qui a appris à ne plus avoir besoin de Dieu, qui met sa Foi dans ses prouesses technologiques pour guérir lui-même ses infirmités, un monde habitué à la facilité et qui, petit à petit, a installé l’homme sur le trône de Dieu. Si la vigne ne donne pas de bonnes grappes, ce sont les éléments extérieurs qui en sont la cause : un climat désastreux générateur d’oïdium et de mildiou, attaques d’insectes sournois, assaut final des volatiles gourmands et saccageurs. Seule solution, résister à l’ennemi et contre attaquer à la première occasion.
Et si la vigne n’attirait plus personne parce qu’elle s’est abâtardie, que ses membres ont perdu leur savoir faire et qu’elle n’offre plus que du mauvais vin ? La question est dérangeante, y compris pour celui qui la pose. Autrement dit : est ce que l’Eglise représente pour notre monde ce pour quoi elle a été faite, c'est-à-dire, manifester la bonté et la tendresse de Dieu pour tout être humain. Il est quelque peu affligeant de constater que pour beaucoup de nos contemporains l’Eglise représente une vieille institution engoncée dans un fatras de traditions, donneuse de leçons, arc-boutée sur un refus et une crainte du monde, et ce, malgré la bonne volonté de ses membres et la générosité de ses responsables. On ne peut pas, bien sûr, minimiser la part désolante d’ignorance qui entoure tout ce qui touche à son histoire et à sa vie actuelle, ni même la malsaine suspicion entretenue à son égard par ceux qui ont pignon sur écran. Par contre, comment ne pas s’étonner de l’audience de ceux et celles qui, parmi nous, vivent jusqu’au bout cette sollicitude de Dieu à l’égard de tous les hommes. Ils sont reconnus sans hésiter comme ses témoins les plus authentiques et pardonnés sur le champ de leurs incartades ou de leurs bavures.
Nous poser lucidement la question de la mauvaise image de notre Eglise et y porter remède en nous attachant encore plus solidement au cep de la Vigne et en nous déliant des tuteurs inutiles et encombrants, ne nous exonérera pas des incompréhensions et des persécutions à venir, bien au contraire. Il vaut mieux toutefois que le bon vin soit rejeté par dépit, que craché parce qu’il est mauvais.

(1) voir à ce sujet « Confession d’un cardinal » Olivier Le Gendre éd Lattès

2 commentaires:

Anonyme a dit…

L'écran est le nouveau Messie et gare au ringard qui ne croit pas à ses paroles.
Moi aussi, je préfère un rejet par dépit qu'un rejet justifié.

Lutèce

charles a dit…

Que oui !!!
On 'nepêchera jamais ,nos frère de refuser la Vigne, et de secroire "libres"... sans racine la vie change... Il ne faut pas qu'ils se coupent du Cep parce que le Cep n'a pas su ou pu les irriguer... Nos contre-témoignages son, je crois, nos pires fautes... celles qui justifient ces fuites, ces cassures, ces coups de sécateurs !

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.