09 mai 2009

Gurs, morne.lande.
Célébration de la messe dans l’église du village, lors de la journée du souvenir des déportés qui correspondait aussi au 70 ème anniversaire de l’ouverture du camp de Gurs. Dans ce lieu ont transité 60000 personnes (Espagnols, Juifs, « indésirables » de toutes catégories) entre 1939 et 1943, sans compter les soldats allemands faits prisonniers à la fin de la guerre ; lieu qui serait tombé dans l’oubli sans la ténacité des descendants de ces déportés, la volonté de quelques personnalités locales et sans le travail de l’historien Claude Laharie qui lui a consacré plusieurs ouvrages. Les journaux locaux ont largement fait écho aux nombreuses manifestations qui ont émaillé cet anniversaire dans le département des Pyrénées Atlantiques et dans la ville d’Oloron en particulier.
Pendant que la plupart des personnalités et délégations attendaient sous la pluie le début des cérémonies officielles, il m’a semblé opportun, au cours de l’homélie, de rendre hommage à deux prêtres qui, à ma connaissance, n’ont jamais été cités dans les comptes rendus de ce « devoir de mémoire ». L’histoire restera encore longtemps une science « humaine » et pour ceux qui la font et pour ceux qui la racontent. Les habitants du village et du canton ont souvent entendu parler de l’Abbé Eugène Bordelongue. Ses paroissiens connaissaient son action auprès des prisonniers. Dès qu’on lui portait quelque produit de la ferme, il enfourchait sa bicyclette et le portait au camp. Ses confrères y compris l’évêché se faisaient du souci non seulement pour sa santé mais pour les maigres ressources du presbytère qui prenaient systématiquement la direction du camp. Un autre prêtre fut présent au camp. C’était Albert Gross. Envoyé par son évêque suisse pour organiser l’aide fournie par le comité de secours de la Suisse, ce prêtre outrepassa ses fonctions au point d’intervenir fréquemment pour faire respecter les convent ions concernant les personnes non extradables vers les camps de la mort. Il lui arriva même de favoriser la fuite de Juifs grâce à un réseau mis en place par un autre prêtre français d’origine juive, Alexandre Glasberg. Ce dernier, ainsi qu’Albert Gross reçurent la médaille des justes. Quant à l’ancien curé de Gurs, il continua bravement à desservir sa paroisse en toute discrétion. Les pages internet consacrées au camp de Gurs ne le citent qu’à deux ou trois reprises en écorchant son nom transformé en Bordenave ou Bourdelongue. Ainsi passe t-on dans les oubliettes de l’histoire.
Une autre figure est restée à juste titre dans les mémoires officielles. Il s’agit d’Elisabeth Kasser, infirmière dans le civil. Elle est surnommée l’ange de Gurs. Elle a payé de sa personne dans ce sinistre paysage de baraques et de boue. Les anges, comme chacun sait, n’ayant pas de sexe, je lui associe désormais mes deux confrères.
Le dernier ouvrage de Claude Laharie « Gurs, l’art derrière les barbelés » aux éditions Atlantica, s’ouvre sur une aquarelle réalisée par un interné. Un papillon jaune soleil, descendu du ciel pyrénéen, s’est posé sur un barbelé, le tout sur un fond de baraques sombres et sordides. Il y eut au camp de Gurs quelques papillons de lumière pour que ces milliers de pauvres gens ne désespèrent pas totalement de l’homme et par conséquent de Dieu.
Pendant que je parlais d’Eugène Bordelongue, un ancien du village de Gurs opinait du chef. Lui se souvenait…
Des millions de personnes sont aujourd’hui déportées, internées, persécutées et cela pour toutes les « bonnes » raisons du monde. Les discours passent, l’émotion s’efface et ces « bonnes » raisons demeurent sauf si une raison supérieure s’impose. Mais elle ne s’impose jamais. Elle s’expose…sur une croix.

2 commentaires:

Roger a dit…

"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre", Winston Churchill.
Merci de ce devoir de mémoire

charles a dit…

Qu'il est complexe le chemin de l'Histoire ! Il voisine celui de la Conscience... et il m'est toujours difficile d'admettre que certains n'aient pas conscience de ce qui Est... au delà de ce qu'ils voudraient qui soit ! Une preuve que Dieu existe, Il est forcement au dessus de notre petitesse, de ce qui rend la vie si misérable sans Lui ! Et je rejoints la citation que fait Roger... Ayons conscience ! Dites-moi l'abbé, l'esprit critique n'est-il pas une forme de Chartié ?

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.