02 novembre 2008

Sophie : Femme de proue

La vie de Sophie qui vient de s’éteindre suffirait amplement de commentaire à cette page d’évangile (Mt 25,31ss). Je me contenterai de rappeler une évidence : Qui que nous soyons, nous sommes tous des héritiers ! Dans la mesure où nous prenons de l’âge nous réalisons mieux le sens de cette phrase : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et même si tu crois avoir acquis par toi-même beaucoup de choses, qui t’a donné la faculté d’apprendre, la capacité d’innover, la volonté de progresser ? »
Sophie a fait partie de cette génération de femmes qui a connu l’un des plus grands bouleversements de la vie rurale, y compris dans ce que l’on appelle la condition féminine. L’avantage qu’elles avaient sur les hommes et qu’elles ont encore, réside dans cette relation tout à fait spéciale qu’une femme entretient avec la vie. Celle qui couve la vie en elle fait l’expérience de la durée, de la patience, des lentes germinations, des fécondes maturations. Ces femmes là ont traversé l’un des siècles les plus mouvementés, sans jamais casser le fil de la vie dont elles avaient pris le relais et qu’elles passeraient à d’autres. Elles ont transmis un avoir faire et surtout un savoir être. Combien de tâches ingrates et ignorées ont- elles effectuées pour « tenir » une maison afin que chacun s’y sente bien, pour réunir une famille dispersée, raccommoder les uns avec les autres, écouter les chagrins, partager les joies, mettre en valeur les capacités de chacun, redonner confiance à ceux qui avaient échoué…Un savoir être…
Elles ont eu du mal à s’habituer aux ruptures qui paraissent aujourd’hui être la condition de toute entreprise humaine. Malgré leur souffrance, elles ont eu la sagesse de considérer que si certaines cassures étaient inévitables, elles ne remettaient pas tout en cause et provoquaient parfois un sursaut d’humanité.
Où trouvaient-elles la clef cachée du trésor inépuisable de leur vie ? Elles la trouvaient ici dans cette chapelle, dans le face à face avec le Seigneur, dans la rencontre de l’Eucharistie. Et c’est peut-être l’un des paradoxes de notre temps qui ne cesse de mettre en valeur le passé, les recettes d’autrefois, les matériaux anciens, le retour a une vie authentique, qui multiplie les formations pour « inventer » ce que nos grands-mères connaissaient par l’expérience et la tradition, et qui n’a que dédain et suspicion pour cet héritage essentiel de la Foi.
C’est en elle, que Sophie et ses compagnes puisaient la force d’aller de l’avant sans jamais rompre le lien de la vie qu’elles transmettraient non seulement avec les moyens de l’assumer mais surtout avec ces repères qui avaient fait leurs preuves et qui leur donnaient des raisons d’espérer.
Seigneur, notre Dieu nous qui sommes les héritiers de cette génération permet que nous ayons la joie de transmettre l’essentiel de ce qui a fait notre vie et que nous puissions greffer nos jeunes successeurs sur le rameau du Christ. Alors nous serons sûrs d’avoir porté du fruit et un fruit qui demeure…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir ,
Chouette! Un rayon de soleil, MERCI
AV

Anonyme a dit…

lu

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.