10 septembre 2008

Jean Paul, Paola et Cassandre (8 mois)

( J’ai repris mes blogs sur « jeancasanave.blogspot.com » Voici l’homélie du dernier mariage célébré)

Paola et Jean-Paul.
J’avais envoyé un mail à Cassandre le jour de son baptême, vous vous en souvenez. Ce que vous ne savez pas, c’est qu’elle m’a répondu par une longue lettre. Elle ne m’en voudra pas, je l’espère, de la rendre publique aujourd’hui. Voici ce qu’elle me disait :
Tu vas bientôt marier papa et maman. Ils en avaient l’intention avant que je ne voie le jour. Mais j’ai l’impression que ma venue dans ce monde les a fortifiés dans cette idée. Jusque là ils faisaient beaucoup de projets en l’air, ils se disaient sûr de leur amour et confiants dans leur avenir. La vie leur paraissait aérienne, légère et souriante. Quand ils m’ont ouverts les bras ou quand ils m’ont eu sur les bras, il me semble avoir un peu perturbé leur vie. Ils ont tout d’un coup compris que la vie était d’abord un cadeau qui venait d’ailleurs, un cadeau merveilleux mais fragile, que l’avenir réservait peut-être des surprises, qu’ils ne maîtrisaient pas tout, que j’aurai pu être en moins bonne santé et beaucoup d’autres idées auxquelles ils n’avaient pas pensé se sont bousculées dans leur tête. Alors ils se sont dits qu’eux aussi étaient l’un pour l’autre un cadeau merveilleux mais fragile, qu’ils avaient besoin de compter l’un sur l’autre pour s’aider à s’aimer et que j’avais aussi besoin de compter sur eux. Mais si leur vie et leur amour étaient comme moi un cadeau merveilleux et fragile, ils devaient aussi en remercier la Source et compter sur Celui qui donnait ce cadeau. C’est donc un peu à cause de moi qu’avec d’autres couples ils se sont préparés à ce grand jour.
Je suis encore bien petite mais j’imagine tous ceux qui les entoureront ce jour là et je sais à quoi ils vont penser.
Les plus jeunes se diront que ma maman est bien jolie dans sa robe de mariée et qu’ils vont bien s’amuser quand ils sortiront de l’Eglise où d’habitude ils s’ennuient un peu. Mais ne t’inquiète pas pour une fois qu’ils sont là se tiendront bien.
Quelques uns se demanderont pourquoi des jeunes comme mon papa et ma maman veulent encore se marier à l’Eglise au lieu de rester libres comme l’air. Ils ont un peu oublié qu’un cadeau précieux a besoin qu’on l’entoure de précautions, d’un écrin d’acier et de rubans solides. Les chrétiens appellent cela un sacrement.
Il y aura aussi les autres, ceux de la génération de papi et mami. Ils seront très émus parce qu’ils se diront : il y a trente ans nous étions à leur place. La vie a déjà fait son chemin. Est-ce que le jeune couple que nous étions se reconnaîtrait dans celui que nous formons maintenant ? C’est une question un peu embêtante. Alors ils préfèreront revenir à leurs soucis habituels. Mais, demain peut-être, ils auront envie de se remarier une fois de plus.
Il y aura les anciens comme toi. Eux resteront calmes, ils en ont vu d’autres. Des couples mal partis et qui se sont relevés, des mariages flamboyants qui sont partis en fumée. Ils ont retenu l’essentiel. L’accessoire, le décorum, la fête, le menu ne les inquiètent pas. Ils savent qu’un amour c’est comme un feu dans une cheminée. Il faut l’entretenir tous les jours et pas seulement quand on est bien habillé ou quand on fête un anniversaire.
Alors tu diras à mes parents que je suis très heureuse de compter sur eux mais aussi qu’ils peuvent compter sur moi. Dis leur que je les aime beaucoup mais que ça ne me suffira pas longtemps : il faudra aussi que j’aime des frères et des sœurs et que je puisse inviter des amis chez moi, même s’il faut pousser les meubles. Tu leur diras que lorsqu’ils ont eu une dispute ou quelque chose de très important à se dire, ils ne sont pas obligés de me prendre à partie. J’ai à vivre ma vie, moi. On m’a dit qu’il existe des couples qui se sont donnés une règle : chaque mois ils mangent ensemble tous les deux pour ne parler que d’eux, ce qu’ils deviennent et comment ils se voient évoluer. Il me semble que c’est une bonne habitude. Tu leur diras aussi de ne pas me gaver de tous les gadgets, de jeux vidéo et des dernières marques de chaussures ou d’argent de poche. Je sais que trop souvent on nous donne tout cela pour compenser l’absence de choses bien plus importantes. S’il m’arrive de faire un caprice pour obtenir quelque chose dis leur de ne pas céder même s’ils ont mal au cœur. Je sais qu’eux aussi ne se payent pas tous leur caprices. Qu’on ne peut pas tout avoir. Choisir c’est refuser d’avoir tout, mais c’est, aussi, rester et devenir libre. C’est ce à quoi ils s’engagent dans le mariage. Qu’ils m’apprennent aussi qu’on ne grandit pas sans effort, même si parfois je pleure un peu. Surtout qu’ils me donnent tout leur amour, c’est le seul héritage que je garderai d’eux et que je transmettrai à d’autres. Rien ne remplacera pour moi leur amour.
Enfin, tu leur diras que je suis leur enfant mais aussi et surtout, celui du Bon Dieu. J’aimerais bien le connaître et l’aimer puisqu’on lui doit tout et que cette vie est le début de la vie avec LUI. J’ai entendu qu’il nous a montré le chemin du bonheur. Ce bonheur, c’est de faire celui des autres. J’espère qu’ils me montreront comment eux aussi se rendront ainsi heureux l’un par l’autre dans le mariage.
J’ai une dernière réclamation à te faire : si je vois que mes parents portent trop de soucis, qu’ils rentrent trop tard du travail, qu’ils sont trop silencieux à table, qu’ils s’embrassent sans se regarder, je t’inviterai chez eux et au milieu du repas je dirai que j’ai des devoirs en retard et je te laisserai avec eux. Si tu ne peux pas venir, j’inviterai leurs témoins de mariage et là, c’est sûr, ils comprendront qu’il faut changer quelque chose.
N.B. En relisant ma lettre, je m’aperçois qu’à plusieurs reprises j’ai écrit « Tu leur diras ceci ou cela… ». Après réflexion je me demande si certains ne vont pas te prendre pour un vieux radoteur d’un autre âge. Alors dis leur ce que tu veux, mais sache que tout cela je le pense très fort. Papa et maman sont de la génération du développement durable, moi je serai de la génération de l’amour durable.
Signé :Cassandre.

7 commentaires:

Julie a dit…

Ce fut une magnifique cérémonie, nos plus beaux remerciements pour ce beau momment partagé ensemble.
julie lamarche

Anonyme a dit…

Bonjour , "et ils eurent beaucoup d'enfants", mais sans doute auriez-vous pu être un bon mari!
AV

Anonyme a dit…

Quel beau cadeau tu as fait à cette nouvelle famille et aussi, à ceux qui étaient présents à ce mariage.
C'est une bonne révision de vie pour ceux qui sont mariés, et, une réflexion indispensable pour ceux qui hésitent à s'engager.
Je crois que je vais faire circuler ton texte au mariage auquel nous allons samedi !
Encore une fois, merci.
Danyves

Anonyme a dit…

Oui, c'est un magnifique cadeau que vous nous avez fait.
Beaucoup d'émotions, une pointe d'humour, et surtout un message fort qui va marquer les esprits des personnes présentes et les nôtres.
Merci encore, Jean


Jean-Paul, accompagné de Paola

Anonyme a dit…

Pour répondre à "Anonyme AV"(dont j'ai peut-être mal interprété le message), je pense, au contraire, que le prêtre, quelle que soit son expérience ( ou son inexpérience)a pour mission de rappeler les vraies valeurs, en toute humilité,ce qui me semble être le cas. Merci, Jean, d'éclairer notre route sans donner de leçons.Md

Anonyme a dit…

Bonjour , oui anonyme 14 septembre , vous ne m'avez pas reçu 5/5 , mais je suppose que nous allons puiser à la même source et c'est l'essentiel .
AV

A.M. a dit…

Ayant quelques années de mariage, c'est fou comm'on s'y retrouve !! je m'empresse d'envoyer cette lettre pleine d'amour, de vérité, de pureté à toutes les personnes qui sont dans ma boîte (ordi...) croyants et incroyants : voici une belle réflexion sur le plan humain et spirituel... MERCI !!! A.M.

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.