01 septembre 2008

Brave Martin

Une église comble, une atmosphère de tristesse et d’accablement, c’est la dernière messe que tu célèbres en tant que curé de la paroisse depuis vingt ans. Affaibli par la maladie qui te mine depuis des années, atteint par l’âge auquel un prêtre doit présenter la démission de ses responsabilités, tu cherches un équilibre chancelant en t’appuyant discrètement sur l’autel. Ainsi tu ajustes ton joug et tu tires ta charrue jusqu’au bout. « Bos suetus aratro » disait-on de l’Aigle de Meaux, sermonneur des grands princes. La formule pourrait bien s’appliquer au gardien des voûtes romanes de La-Terre-Sauvée.
Remerciements, émotion, éloges concluent la cérémonie d’adieux. L’incompréhension et le ressentiment refont vite surface. Voilà un canton entier qui perd ses deux prêtres en même temps. Un seul curé fera face désormais à la charge de deux cantons soit une quarantaine de villages. La révolte gronde chez quelques paroissiens. L’évêché est en ligne de mire. « Qui nous enterrera ? » se demandent les non pratiquants pour lesquels la mission du prêtre se concentre essentiellement sur la mort des hommes …et la survie de Dieu !
Je me pose quelques questions ?
Comment des membres assidus de communautés chrétiennes peuvent-ils être à ce point inconscients pour s’étonner de la disparition de prêtres qui ont dépassé l’âge de leurs grands parents? Depuis quand confient-ils à ceux-ci la charge de leur famille ?
Au lieu de se tourner vers les responsables, pourquoi ne comptent-ils pas le nombre de prêtres que ces paroisses ont fournis à l’Eglise diocésaine durant les trente dernières années ? Le total est éloquent !
Comment cette situation que tous les évêques savaient inéluctable a-t-elle pu dégénérer à ce point ? (voir un de mes blogs antérieurs sur le sujet)?
Il reste que l’Eglise n’est pas une entreprise comme les autres. Un changement de DRH ne suffit pas à résoudre les problèmes. L’Eglise nous est aussi donnée d’en haut. Or il se trouve qu’on ne prie plus ou très peu, seul ou en communauté. Il nous faudra bien reprendre le chemin de nos chapelles de campagne ou de nos oratoires désertés pour ré entendre la question du Christ « Pour vous qui suis-je ? » sans oublier la suite : « Tu es Pierre…Tu es toi aussi Fils de Dieu ; tires en toutes les conséquences ! ». Alors peut-être nos lèvres malhabiles retrouveront les mots d’Etty Ellisun pour ajouter : « Seigneur que puis-je faire pour Toi ? » ?
Brave Martin, tu te retireras dans une maison de retraite. Un autre prendra la barre de l’embarcation secouée par les flots. Trouvera-t-il douze hommes et douze femmes pour regarder au loin, s’agripper aux rames et souquer ferme ? Condition nécessaire pour que le Seigneur apaise les flots et les cœurs et pour que quelques audacieux se remettent à marcher sur les eaux !

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pendant ce temps-là, une paroisse paloise compte 2 prêtres pour 2 clochers....Belle leçon de justice donnée par l'Eglise.
Si les laïcs doivent se sentir concernés par des responsabilités à partager avec les prêtres restants, il serait tout aussi normal que la pénurie de prêtres soit gérée de manière équitable. Sinon, on prend le risque que le sentiment d'iniquité l'emporte sur le reste chez des pratiquants qui se sentent négligés.

Anonyme a dit…

Hélas ! les prêtres sont "vieux" et quand on est "vieux" on a pris des habitudes.....Ils font leur boulot c'est sûr, mais fatigués ils font des "naufrages"; ils n'ont plus le temps de bien travailler, on dirait même qu'ils en sont venus à vendre la religion....Je suis un bon pratiquant et j'ai une bonne formation biblique, mais je dois avouer, je suis souvent perdu par des actes de nos serviteurs; ils oublient bien souvent de répondre à l'appel "équilibré" de ceux qui veulent avancer dans l'annonce de la bonne nouvelle. Dommage, nous perdons du temps, les jeunes ne se retrouvent plus dans la religion qu'ils ont appris, peut'être aussi qu'ils n'en ressentent pas le besoin dans ce monde de "fous". Jean, tu nous parles de prier, nous avons un groupe de prière mensuel et heureusement car sans lui , peut'être serions-nous sortis des rails ???
Esprit de Dieu, intercèdes pour nous .

Anonyme a dit…

Bonsoir ,
Oui:des hommes et des femmes ,il y a
Oui: des audacieux et des audacieuse , aussi
Mais que dire d'une institution dont la logique des déplacements me dépasse , quant à leur sens des mathématiques... ?
AV

A.M. a dit…

Je retiens ce que Jean a prononcé à la fin de la messe, à Navarrenx, alors que nous faisions nos "a-dieu" à Pierre et Grégoire et que Sr Maïté nous annonçait qu'elle partait aussi : "ne nous posons plus la question : mais, comment il va faire, ce pauvre prêtre, avec 48 villages ?... disons-nous : mais, comment allons-nous faire ???" A.M.

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.