10 avril 2008

Vingt-Trois :
C’est le nom du cardinal de Paris. Il pose un diagnostic clair de l’Eglise de France. Elle est fatiguée, constate-il. « Mais plus que la lassitude quotidienne qui ne nous effraie pas (il parle des prêtres diocésains), ce qui pèse le plus lourd, c’est le sentiment, plus ou moins fort, d’être entraînés comme dans un tourbillon dont ni le sens ni le but ne sont clairs et de ne pas voir encore se lever la génération de nos successeurs. » Il a raison. Ce qui est lassant et encore plus énervant, ce sont encore ces propos sempiternellement rassurants qui incitent à rester dans le tourbillon et à s’étourdir suffisamment pour se donner au moins bonne conscience : « J’ai fait tout ce que j’ai pu, j’ai ramé comme un forçat sans changer de direction, sans remise en question de la navigation, Dieu s’y retrouvera… »
L’un des ces discours est particulièrement subtil. « De quoi vous plaignez vous les chrétiens ? La société civile, du moins en Occident, a fait siens les principes essentiels de votre religion. On se soucie des malades, on ne laisse pas les chômeurs sans allocations, on aide les mères célibataires, on éduque les enfants, on assiste les vieillards, on muselle les violents, on respecte les opposants. Bref, les droits humains sont une des préoccupations essentielles des citoyens et des gouvernants. L’Eglise a réussi puisque le message évangélique est passé dans les mœurs. Il est donc normal qu’elle se sente moins utile, qu’elle fasse moins recette. Ce qu’elle offrait autrefois sur les autels en exclusivité se retrouve sur tous les étals en sécularisé. ! » Ce genre de raisonnement rappelle l’espoir que faisaient naître les progrès de la science à la fin du 19ème siècle et que certains esprits éclairés formulaient ainsi: « Plus la civilisation se développera, plus vite la religion disparaîtra ! »
C’est oublier qu’une civilisation coupée de ses racines tombe très vite en barbarie. Ce sont bien des jeunes hommes d’un pays civilisé qui ont déployé une banderole insultante dans des tribunes d’un stade. Ce sont, certainement, des gens scolarisés dans l’école de la République qui ont saccagé le carré musulman d’un cimetière militaire. Sans fouiller dans le registre raciste ou haineux, ce sont bien des enfants de gentils parents qui ont continué leurs tours de manège tout près des médecins et pompiers qui s’affairaient à soigner d’autres enfants blessés par un de ces engins emballé : « Vous comprenez ils auraient été traumatisés et... ils avaient payé leur ticket ! » Ce sont même des personnes d’un certain âge qui n’arrêtent plus leur voiture lorsqu’un cortège conduit un frère humain au cimetière ; et encore moins lorsque le monument aux morts a la mauvaise idée de se situer au bord de la route, et que, le 11 novembre, quelques attardés égrènent les « morts pour la France » en souvenir de ceux grâce auxquels nous sommes là. Et que dire encore de ces dates de fêtes religieuses qui n’évoquent plus que départs en vacances, bouchons de la circulation, ripailles des enfants de Dieu. De quoi nous plaignons nous puisque Emmaüs évoquera pour quelques initiés un Abbé coiffé d’un béret et pour les autres le bric à brac du dimanche après midi.
Oui, il est plus que temps Monsieur le cardinal, de prendre au sérieux vos propos. Les prêtres sont lassés, mais les fidèles aussi, de tenir à bout de bras un paquebot surchargé de ravitaillement spirituel dont de trop nombreux passagers n’ont plus le goût. Il est temps de mouiller le bateau dans une crique abritée, de poser les rames, de prendre le temps nécessaire pour nous demander non pas comment perpétuer notre belle civilisation, mais comment l’évangéliser. Alors, « nous et l’Esprit Saint » nous allégerons la barque et, enfin, nous nous occuperons de jeter le filet…et tous les pêcheurs savent qu’il est moins fatiguant de tirer un filet plein à craquer que de passer le temps à laver le pont !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'espère avoir appris à mes enfants le respect des autres ; à mes élèves aussi. J'espère surtout n'avoir pas trop dérapé moi-même sur ce plan ...
"ne jugez pas et vous ne serez pas jugés" : n'a-t-on pas mal interprété ces paroles, et ne nous lavons-nous pas les mains un peu trop facilement, sous prétexte de ne pas nous mêler des affaires des autres ...?

Anonyme a dit…

Bonjour, c'est vrai:la poussière n'a pas été faite depuis un temps certain.........
Et puis:éduquons, éduquons........
AV

Anonyme a dit…

C'est vrai, les successeurs doivent se lever. Laïcs ou consacrés, les chrétiens français doivent maintenant prendre conscience qu'il faut se "mouiller" et s'engager pour faire entendre leur voix dans notre société sans repères. Ce n'est facile de s'y mettre (et je n'y suis pas encore) mais cela va devenir urgent en particulier pour ma génération actuellement trentenaire.

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.