29 septembre 2007

Pauvre et riche

Lazare, décharné, n’a que les yeux pour pleurer et les chiens pour lécher ses plaies. Le riche, repus, luisant de graisse, se fait masser la couenne avec des onguents précieux. La sentence évangélique tombe, lapidaire. "Chacun son tour. Tu as eu bonheur en cette vie, tu auras malheur dans l’autre. ».
Ce n’est pas parce que le riche a été heureux qu’il lui faudra connaître le malheur. Il y aurait, là, une sorte d’automatisme dans la rétribution qui serait immoral. D’ailleurs, le texte souligne que bonheur et malheur sont donnés et reçus: Ni l'un ni l'autre n'y sont pour rien. Si le riche mérite le jugement, c’est plutôt parce qu’il a été heureux, tout seul, sans Lazare.
Un mot traduit bien, de nos jours, la situation du riche, le mot « profiter ». « Profites en bien, j’en ai bien profité, il a raison d’en profiter puisqu’il le peut… ». Chacun veut profiter, le plus possible, de tout et tout de suite ! Si la vie humaine se réduit à cela, alors, l’ennemi, c’est l’autre. L’autre qui veut en profiter autant que moi, m’empêche plus ou moins d’atteindre mes objectifs. L’existence n’est plus qu’envie, vantardise, jalousie, défiance, rivalité, haine. Jean Paul Sartre avait raison « l’enfer, c’est les autres ! ». Le riche n’a pas besoin d’attendre la vie éternelle, il a déjà crée l’enfer dès ici bas.
Sur ce même thème, une autre sentence évangélique mérite réflexion : « Avec l’argent trompeur, faites-vous des amis ». Elle fait suite à une parabole dans laquelle un mauvais gérant s’avérait assez astucieux pour s’obliger un certain nombre de futurs débiteurs. Jésus savait fort bien qu’on n’achète pas l’amitié. Tout au plus, fait-on des assistés qui nous seront toujours redevables.
Pour se faire des amis, pour établir, justement, une relation de gratuité ; il faut que les autres soient au même rang que moi. C’est pourquoi, à la suite de quelques encycliques retentissantes, l’Eglise a compris que la justice « était le nouveau nom de la charité ». Ceci paraissait révolutionnaire à des mentalités qui depuis des siècles justifiaient la richesse dans le but d’assister les pauvres. Dieu aurait donné à certains d’être riches pour mieux s’occuper des miséreux !
Dans l’hypothèse (non encore vérifiée !) d’une société juste, la charité serait-elle vouée à disparaître ? Certainement pas. La justice ne pourra jamais tenir compte de la différence individuelle avec laquelle elle sera appliquée. Avec le même salaire, les mêmes avantages, les mêmes conditions de vie, l’un sera heureux, l’autre malheureux. « La charité ne passera jamais… ».

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Pourriez-vous s'il vous plaît donner des explications supplémentaires sur les dernières lignes du texte? A quel niveau, selon vous, la charité interviendrait-elle dans une société vraiment juste? Je crois le comprendre mais je n'en suis pas sûre. Merci beaucoup.

J.CASANAVE a dit…

Une société juste est celle qui donnerait à chacun les mêmes possibilités de trouver son bonheur ou d'accomplir sa vocation. Mais,il y a une part tout à fait individuelle, originale, dans cette aspiration commune. C'est pourquoi toute "politique" oscille entre deux écueils. Ou bien laisser la liberté de chacun trouver son chemin personnel, au risque d'exclure ceux qui ne trouveront jamais les moyens de leurs ambitions. Ou bien offrir à tous un cadre contraignant, au risque d'imposer un bonheur ce qui est contraire au vrai bonheur! Dans un cas comme dans l'autre l'amour-charité compensera les limites d'un simple "traitement social"du bonheur humain qui restera toujours une question d'appréciation personnelle.

Anonyme a dit…

lu

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.