28 juin 2007

C’est la fête !

Les affiches électorales ont eu à peine le temps de faner que celles des fêtes villageoises fleurissent et prennent le relais. Pour les plus anciens parmis nous, elles évoquent l’effervescence qui s’emparait de la place publique quelques jours auparavant. Il fallait dresser à la hâte un podium branlant destiné à trois ou quatre musiciens, « tirer » une ligne électrique pour alimenter quelques ampoules blafardes, improviser un quiller plus ou moins réglementaire, ajouter en dernière minute un micro nasillard qui déclenchait l’inévitable panne générale au plus mauvais moment. La fête leur rappelle aussi ces belles tablées qui réunissaient la parenté rassemblée pour l’occasion et qui, par contre, donnaient aux mères de famille un surcroît de travail considérable. Souvenirs d’une enfance où il ne fallait pas grand chose pour embellir le quotidien. Une chemise blanche, des souliers cirés et quelques sous en poche faisaient de vous le plus heureux des gamins, le roi du pistolet ou de la poire à eau qui, dans le feu de l’action, n’hésitait pas à faire ses réserves dans les vases du cimetière et risquait une mémorable correction.
Pour les jeunes du village aujourd’hui, la fête, c’est la responsabilité d’une rencontre inter-générations pour laquelles il est parfois malaisé de trouver des lieux de détente, des centres d’intérêt et des symboles communs. C’est le souci d’attirer un public nombreux par un programme alléchant, tout en préservant l’équilibre du budget du comité des fêtes. C’est encore l’affirmation d’une appartenance. Malgré toutes les rancunes et les rancoeurs accumulées dans les frictions quotidiennes, la fête donne à chacun l’occasion d’afficher son enracinement dans un lieu et sa solidarité avec ses habitants. Créer du lien social n’est plus l’urgence de la ville seule et de ses quartiers dits défavorisés.
Enfin, la fête, dans la mesure où l’on se souvient qu’elle est aussi celle du Saint patron de l’église paroissiale, nous permet d’affirmer les valeurs et les repères qui fondent notre « vouloir-vivre-ensemble » et les conditions qu’exige sa mise en oeuvre. « Viens c’est la fête au village, viens… » chantait Guy Béart.

16 juin 2007

Profession de Foi.

« Vers la disparition de l’Eglise en France ?». C’est la question que se pose Claude Plettner, éditrice chez « Bayard » dans le journal « La Croix » du 10 06 07. J’entends ces jours ci un confrère se dire exaspéré par l’attitude de jeunes adultes invités d’une profession de Foi qui manifestement n’avaient aucune idée du lieu et de l’évènement auxquels ils étaient conviés : mitraillage photographique, musiques de portables, conversations sans retenue, déambulations inopinées etc… On me dit qu’un autre, après avoir donné quelques consignes minimales de savoir vivre a du interrompre la cérémonie pour rappeler à l’ordre quelques récalcitrants. Quant au genre et au coût des festivités qui accompagnent ces cérémonies, au volume et à la destination des cadeaux reçus, on se trouve bien embarrassé pour faire un lien quelconque avec l’Evangile que l’on est sensé professer. Il y a déjà des années qu’un ami a changé d’appellation les dites profession de Foi. Sachant qu’elles marquent pour beaucoup d’enfants le terme de « l’instruction et de la pratique religieuses », il les appelle « Fêtes de la fin du catéchisme » pour ne pas dire « dernière profession de Foi » !
Le sujet ne se prête guère à l’humour, mais il se trouve que ce mois de juin correspond aux élections législatives. C’est donc par millions qu’ont été distribuées les « professions de foi » de nos chers anciens et futurs députés et ceci dans une France laïque par « profession de foi républicaine » ! Et c’est parce qu’il ont une foi à « soulever les montagnes » que les candidats vont arpenter les marchés, afficher un sourire éclatant et tendre la main aux passants. Au fait, c’est une foi en qui ? En nous, en eux ? Enfin, c’est par millions que les « hommes » et les femmes « de peu de foi » vont aller aux urnes et voteront les yeux fermés pour celui ou celle en qui ils auront mis leur confiance même si les jeux des partis trahissent les intentions premières. Si l’Eglise disparaît, les croyances, elles, ne disparaissent pas : elles se comptent en bulletins!
Mais revenons à nos communions solennelles, comme on les appelait jadis. Le tableau que j’en ai brossé n’est guère réjouissant. Il n’est que l’image de la perte de toute identité confessionnelle pour deux et même trois générations de Français. Mais cette description serait incomplète si je ne disais pas qu’il y a quelques jours je suis rentré dans une église pour baptiser un petit Hadrien. Quinze galopins couraient, criaient, se poursuivaient dans les allées du sanctuaire. Je craignais le pire pour la liturgie qui devait suivre. Les jeunes mamans et quelques papas totalement « zen » continuaient à préparer chants, bouquets, cierges comme si rien n’était. Ils avaient raison de ne pas s’inquiéter. Dès que la cérémonie a commencé ces enfants se sont assis et se sont faits attentifs. De par leur éducation et leur participation régulière avec leurs parents à la prière, ils savaient ce qu’ils faisaient.
L’Eglise disparaît ? Pas tout à fait. Ces jours ci encore, Anne et Anne Marie dont j’avais célébré le mariage il y a 20 ans sont revenues vers les Pyrénées. Retrouvailles vivifiantes, chaleureuses, émouvantes. Les deux sont mères de 4 enfants. L’une est aumônier d’un grand hôpital. L’autre est animatrice de sa paroisse. Impossible, ici, de retracer notre échange qui s’est terminé par un intense partage de prière dans un petit sanctuaire marial. Ces deux jeunes femmes actives et efficaces, assaillies par les soucis de leur famille et présentes au monde transpiraient la joie et la Foi. « Que du bonheur » dans cette rencontre aurait dit le citoyen français oubliant sa profession de Foi. « C’était pure grâce » m’a dit l’une d’entre elle en partant. Comme quoi, il faut parfois attendre 20 ans avant de dire si le jour était bon…
Sujet du bac

« Monsieur et très honoré grand-père.
Vous serez sans doute surpris que n’ayant jamais pris la liberté de vous écrire et m’étant jusques ici contenté de prier mon père de vous assurer de mes respects, je m’adresse aujourd’hui particulièrement à vous. Les bontés que vous avez toujours eues pour moi et l’affection singulière dont vous m’avez donné tant de preuves, m’engagent à faire cette demande, autant pour vous donner des marques de ma juste reconnaissance, que pour vous donner occasion de faire éclater encore votre bon cœur… » Suit une demande de subsides pour acheter quelques bons livres… « J’espère que vous voudrez bien avoir la bonté de me les envoyer au plus tôt. Cette nouvelle marque d’affection et de tendresse jointe à toutes celles que j’ai reçues de vous ne fera qu’augmenter ma reconnaissance, sans rien diminuer du respect profond et du dévouement parfait dans lesquels je suis…. »
Je suis resté pantois lorsque j’ai lu cette missive magnifiquement calligraphiée et rédigée en l’année 1728 par l’un de mes aïeux. En entendant le personnel de l’éducation nationale réclamer sans cesse de nouveaux moyens pour faire face à sa mission, j’imagine à peine ceux qui étaient à la disposition du maître d’école d’un petit village à cette époque là. Et pourtant le résultat est là. Quel élève de troisième aujourd’hui pourrait rivaliser avec ce fils de laboureur ?
Même réflexion en regardant un film de Pagnol, diffusé récemment, qui nous replongeait dans l’ambiance de l’école du début du 20ème siècle. Ne pourrait-on pas en deçà des moyens, se poser d’abord la question de la finalité de l’enseignement ? Les élèves retrouveraient peut-être le goût ou du moins les raisons d’apprendre et les enseignants, aidés par les parents, le feu sacré de nos vieux maîtres qui s’acharnaient jusqu’à ce que des gamins de quatorze ans acquièrent et gardent pour la vie une bien belle écriture et un style recherché. Honneur aux enseignants qui se passionnent encore pour cette noble tâche et courage aux candidats !

03 juin 2007

Trois

Elles sont trois les personnes de la Trinité, quelque peu éclipsées par la fête des mères. Il aura fallu, aux chrétiens, presque 4 siècles de sérieuses querelles et quelques conciles, pour se mettre d’accord sur cette expression de leur Foi. Elle constitue à leurs yeux la moins mauvaise présentation d’un Dieu qui refusera toujours, toute tentative de définition .Si le dogme lui-même résiste à toute explication trop claire, le modèle trinitaire s’avère très fécond, car il touche au statut personnel, à la structure familiale et au code de la société.
Si l’Etre éternel n’est pas le tout-puissant solitaire que l’on a parfois dépeint, à plus forte raison, l’être humain, crée à son image, est-il un être de relation. Privé de relations, l’humain dépérit et meurt. Au moment où la planète se couvre d’un filet d’échanges, on est en droit de se demander si trop de communication ne tue pas la simple communion. On peut joindre, à l’instant, les antipodes et ignorer l’identité du premier voisin.
Si la divinité a voulu se faire foyer d’amour, il n’est pas étonnant que nos familles tendent à le devenir, de sorte que plus l’union y est manifestée et plus chacun y est respecté dans son originalité. En ces temps de violences et de délinquance, une mise en oeuvre du modèle trinitaire pourrait servir à l’accompagnement psychologique des drames familiaux.
Si Dieu se présente comme communion, ce n’est pas en vain que tous les hommes politiques dignes de ce nom cherchent à faire en sorte que leurs compatriotes vivent « ensemble égaux et différents ». Encore faut-il réfléchir sur le genre d’égalité à promouvoir. Tant que nous la conjuguerons sur un rythme binaire, pauvres et riches, ruraux et urbains, intégrés et exclus ; tant que le Bien commun de la Nation sera l’enjeu d’une majorité et d’une opposition ; tant que notre département se divisera entre Basques et Béarnais comme si tous les autres n’existaient pas ; l’égalité des uns se fera sur le dos des autres. En ces temps d’élections et de triangulaires annoncées, la Trinité pourrait nous fournir un superbe programme électoral ! Candidats pas sérieux s’abstenir !

Tant que nous rechercherons une uniformisation des privilèges par le haut nous ne ferons qu’attiser les frustrations et les rivalités. La communion des hommes ne se fera qu’autour de la seule tâche digne d’une société vraiment humaine : donner à chacun sa juste place et la première de toutes au faible, à l’handicapé, au déshérité. C’est l’honneur de la société humaine que de protéger le plus démuni. Le monde animal ne sait pas le faire.
"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.