16 novembre 2006

Création :
Régulièrement la question des relations entre science et foi revient sur le devant de la scène et elle se concentre généralement sur le point précis de l’évolution des espèces et la place de l’homme dans cette évolution. Des américains, influencés par une lecture littérale de la Bible, contestent la théorie de l’évolutionnisme au point de fonder des écoles qui l’excluent de leur programme. La guerre est déclarée entre évolutionnistes et créationnistes. D’autres, moins radicaux, défendent la thèse qui consiste à dire que l’évolution du monde est régie par un projet intelligent qui permet de comprendre ce dont un déterminisme aveugle ne saurait rendre compte. Il y a quelques années le Pape Jean Paul II avait rédigé un texte pour rappeler que la théorie de l’évolution (elle-même sujette à des modifications importantes) ne remettait pas en question la Foi en un Dieu créateur. Regardons de plus prés les deux textes souvent incriminés dans ce débat, ceux de la Genèse, premier livre de la Bible.
Il faut une fois pour toutes nous dire qu’ils ne sont pas destinés à nous renseigner sur la façon dont le monde est crée mais sur la vocation, la destinée de l’homme sur la terre telle que les auteurs l’envisageaient à l’époque où ils les ont élaborés et avec les moyens culturels dont ils disposaient, en particulier un certain nombre de récits qui circulaient dans les civilisations environnantes.. Si les auteurs de ces textes avaient voulu nous donner un récit scientifique du commencement du monde ils auraient évité de nous en donner deux et surtout deux totalement différents l’un de l’autre.
En effet, nous avons deux textes qui recouvrent les trois premiers chapitres du livre. Le second récit est certainement plus ancien que le premier. Occupons de celui là. Nous étudierons le premier au moment du temps pascal puisqu’il nous est donné à lire lors de la grande veillée du Samedi Saint. Il conduit du désert où il n’y a rien à un décor agraire de la création : de l’eau, de l’argile, un jardin, des arbres. Il faut se rappeler que le peuple d’Israël est arrivé en terre de Canaan déjà habité par des populations qui pratiquaient des rites de fécondité pour lesquels l’agriculture, les jardins royaux et les arbres, symboles de puissance et de vie, étaient des éléments religieux de premier plan. Or voici que les auteurs de ce texte introduisent dans ce décor un arbre de la connaissance du bien et du mal. Tout Israélite sait que ce qui permet de distinguer le bien du mal dans la religion juive, c’est la loi de Dieu qu’il appelle La Torah. D’ailleurs dans ce même récit il est demandé à l’homme de « garder et cultiver » le jardin. Or cultiver et « cultuer » (rendre un culte) sont traduit par le même mot. Et dans la Bible, chaque fois que ces verbes sont employés ensemble, c’est pour désigner la Torah. Il en est de même pour ce qui concerne le don de la femme à l’homme qui doit quitter son père et sa mère et ne faire qu’un avec elle. Il faut parler de « don de Dieu » car ici la femme n’est plus considérée comme la prostituée sacrée qui donne l’extase à l’homme dans un rite de fécondité mais comme son vis-à-vis, offert par Dieu à un homme qu’Il met lui-même en état d’extase (le profond sommeil). Le fait même que l’homme ne trouve pas de quoi le satisfaire dans la fréquentation des animaux auprès desquels il ne trouve pas « d’aide qui lui soit assortie » prouve qu’il est en train de sortir de d’idolâtrie.
Revenons à l’union de l’homme et de la femme. Outre le fait que c’était la femme qui entrait dans la maison de son mari et non le contraire comme l’affirme le texte, les verbes quitter et s’attacher s’emploient la plupart du temps pour dire que le croyant doit quitter les idoles pour s’attacher à la Torah, à la Loi. Il s’agit , ici aussi, de mettre en avant le « pour quoi » l’homme est crée et non le comment « ça s’est passé ». Il est mis sur terre pour vivre de la Loi de son Dieu et éviter le péché, c’est à dire la rupture avec son origine telle que la décrira le chapitre suivant de la Genèse. Ce n’est donc pas une explication scientifique de la création du monde qui nous est donnée mais une vision théologique de la place de l’homme dans l’univers. D’ailleurs le mouvement même du texte le confirme. Nous voyons un être humain qui sort de la terre, qui reçoit un commandement, une Loi, et qui entre dans le jardin. C’est exactement la situation du croyant de l’exode qui sort de l’Egypte, terre idolâtre, qui reçoit la Loi au Sinaï et qui entre en terre promise. L’homme de la création reste donc avant tout un être de passage, attaché à la loi de Dieu et promis à participer à son royaume.

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"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.