06 décembre 2005

Quand repassent les grues…

Comme les rameurs des antiques galères scandaient de la voix le rythme de leur gigantesque effort, elles annoncent leur passage par ces cris gutturaux qui les distinguent de tous les autres migrateurs. Pas un misérable bipède collé à la glèbe qui ne résiste, alors, à regarder vers le haut. Chacun scrute l'azur infini, jusqu'à ce que l'œil vise en plein ciel le triangle magique qui vous réconcilie avec la géométrie dans l'espace.
Et il en est ainsi depuis les origines. Nos ancêtres lointains ont dû se poser bien des questions au sujet des retours inversés et périodiques de ces crieurs publics annonciateurs des frimas ou des printemps. A l'époque où l'avenir se dévoilait dans les viscères des oiseaux, ils en avaient peut-être conclu que ces bruyants cerfs-volants étaient dépêchés par les dieux pour ouvrir la porte des saisons. Cette hypothèse avait l'avantage de nourrir plus de rêves, qu'une plate théorie du déterminisme de l'instinct. Il reste cependant, au terrien ravi, d’envier ces grandes dames qui peuvent deux fois l’an s’offrir si beau voyage. Il y a des jours où il aimerait, comme elles, passer à tire d’ailes par dessus ses montagnes de tracas, ses océans de doutes et ses déserts d’amour.
Il n'empêche, que le nez en l'air et l'œil rivé sur le firmament, le bipède ébahi se demande encore, aujourd’hui, qui est le chorégraphe génial de ce ballet biannuel et à qui est adressé cet "hymne de l'univers". Relier et relire les signes du ciel et ceux de la terre, n'est ce pas l'expérience fondatrice des religions ? Merci, Mesdames les grues, de nous redonner le goût d'un certain infini !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ravie, jean, d'abord de découvrir ce blog, en nul autre semblable. Un vent de fraîcheur passe à travers ces mots si évocateurs d'un "liberté contrainte" : toutes les grues ont-elle le désir de voyager ? oui bien sûr puisque c'est pour leur bien!ainsi répond l'"homme" sage et prend pour compte personnel le vol migrateur vers un ciel sans nuage.

"L'âne se jette à l'eau" aux éditions Médiaspaul.